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Typologie des contes et contes de randonnée Le conte de randonnée: place, définition, utilisation en classe |
1. Quelle place dans la classification des contes?
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En ce qui concerne les contes, c’est la classification de Aarne et Thompson (1964) qui sert de référence
internationale. Elle est reprise et adaptée au domaine français par Paul Delarue et Marie-Louise Tenèze dans
Le conte populaire français (Delarue et Tenèze 1998) : le « catalogue français », qui propose
pour chaque conte une version type et donne le schéma détaillé des éléments présents pour ce conte et
dans cette aire culturelle. Il recense et analyse un grand nombre de versions recueillies dans l’hexagone
et les pays francophones.
Le conte:
Il est par définition un récit situé dans un temps et un lieu indéterminés (Il était une fois...).
Il diffère de la légende - prise en compte et transcrite depuis plusieurs siècles comme récit historique
– qui met en scène des personnages censés avoir existé, en des lieux dont le nom attesterait de l’ancienneté
et de la vérité des faits racontés. Le conte est donc fiction assumée, la légende support de croyance et de
réalité pseudo-historique. Mais les contes facétieux, par exemple, sont souvent localisés par le conteur et
personnalisés pour accroître l’effet sur l’auditeur.
Les contes-types tels qu’ils apparaissent dans la classification internationale de Aarne
et Thompson ne sont pas des modèles ou des archétypes. Ils sont simplement la description de contes
attestés le plus souvent. La «norme» est statistique et non logique ou formelle. Il y a une classification
chiffrée : [T 1 à T 2400], T= type. Les contes sont regroupés en grands ensembles significatifs.
Vers une typologie des contes: Les grandes sections de l’Aarne-Thompson
- Tranches de vie : Les Contes d’animaux de T1 à T 299.
Il s’agit le plus souvent d’épisodes courts. Ils constituent, du fait des protagonistes même,
un ensemble relativement clos. De ces animaux, domestiques et/ou sauvages, l’un est
généralement plus fort, l’autre plus rusé. De là les interférences avec la section
intitulée Contes de l’Ogre (ou du Diable) dupé. Le plus puissant est toujours, floué
ou ridiculisé par son adversaire rusé, humain ou animal. Ces contes sont constitués de récits
épisodiques pouvant s'enchaîner, car le naïf ou le malveillant ne tire aucune leçon de ses mésaventures.
Ils s'organisent en cycles, tel celui du renard et du loup.
- La quête initiatique des Contes merveilleux T. 300 à T. 749
Le merveilleux y est laïque. De façon générale, les contes merveilleux retracent des itinéraires.
Leurs héros, jeunes et démunis au départ de la maison familiale,franchissent avec l’aide de personnages
surnaturels envers lesquels ils se sont montrés compatissants, des épreuves qualifiées à juste titre
d’initiations marquant les divers moments de passage de l’enfance et de la jeunesse jusqu’à l’adulte
accompli. Quelques contes comme «Le petit Poucet» ou «Chaperon rouge» par exemple ne retracent que
le début du parcours puisque les héros, après un premier périple aventureux, retournent vivre auprès
de leurs parents. Il s’agit là de contes à destination des enfants contrairement à l’ensemble des
contes qui s’adressaient à un public adulte. Initiatiques, ils montrent la voie, ils disent ce
qui doit être, sous forme d’image, sans être didactiques ou moraux: il importe d’abord de faire
sa vie hors du foyer parental, peu importe que l’on devienne honnête soldat, habile médecin ou rusé
voleur.
- Les Contes religieux T. 750 à T. 849
Toujours dans l’univers surnaturel, mais se référant à l’imaginaire chrétien, les contes religieux
sont le lieu de la littérature orale où s’expriment les représentations populaires de l’au-delà.
Le passage essentiel dont ils traitent est celui de la frontière de l’autre monde. Nombre de contes
relatifs à la mort sont pourtant classés parmi les contes merveilleux.
- Contes du destin maîtrisé: les Contes-Nouvelles T. 850 à T.999
Certains se trouvent entre conte et nouvelle. Si les uns sont des itinéraires ou des tranches de
vie - en particulier des «contes à mariage» - d’autres se réduisent au temps d’un échange verbal
subtil, d’une joute spirituelle entre deux protagonistes dont l’un représente le pouvoir alors que
l’autre, socialement inférieur, s’impose et se fait reconnaître par ses qualités propres. Contes de
l’intelligence, du courage et de l’astuce, ils sont le lieu de la littérature orale où des
personnages émergent, prenant en main leur destin contrairement aux héros stéréotypés des contes
merveilleux qui sont quasiment mus de l’extérieur.
- Contes de l’Ogre (du Diable) dupé T.1000 à T.1999
Les contes du diable dupé ou de l'ogre stupide, disent les aventures d'un garçon ou d'un homme
futé qui, par son astuce et sa persévérance, se joue de la méchanceté et de la bêtise de l'autre :
un diable sans aucune connotation religieuse, un ogre stupide ou bien un fermier despotique qui
l'emploie ou tente de lui nuire. Ils sont comme les contes d'animaux constitués de récits épisodiques
pouvant s'enchaîner à loisir dans un ordre variable, puisque le naïf ou le malveillant ne tire aucune
leçon de ses mésaventures.
- Les ratés de l’initiation: contes facétieux et anecdotes T. 1200 à T. 1999.
Ils sont de l’autre côté du miroir, une fois fermé le grand ensemble des contes d’initiation.
La liste de leurs anti-héros en détermine les sous-sections, commençant par les histoires d’idiots
, de fous, histoires sur les époux, histoires à propos d’une femme ou d’une fille, d'hommes ou de
garçons etc, et de menteries.
- Les contes formulaires ou randonnées ou contes en chaîne ou récits cumulatifs: de T.2000 à T.2399.
Ces contes se distinguent par la fixité de leur forme. On y retrouve les randonnées. Les contes
attrapes T.2200 à T.2299 et les contes inachevés T.2300 (classe des «autres contes formulaires»)
qui sont basés sur des pirouettes verbales par lesquelles le conteur ou la conteuse signifie qu'il
ou elle ne veut rien dire, soit qu'il amène l'auditeur à poser une question à laquelle il répond par
une moquerie.
Plus précisément dans la classification:
- récits cumulatifs, randonnée: T.2000 à T.2013
- chaînes incluant un mariage: T.2019 à T.2020
- chaîne incluant une mort-protagoniste animaux: T.2021 à T.2024
- chaînes où il est question de manger : T.2025 à T.2028, incluant l'absorption d'un objet,
les éléments de la chaîne ne sont pas reliés entre eux.
- chaînes où il est question d'autres événements: T.2029 à T.2075
- Les contes non classés ou inclassables: T.2400
2. Qu'est-ce que le conte-randonnée?
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Quelques éléments de définitions:
Une randonnée est un conte à structure répétitive et énumérative (à différencier d'une formule répétitive),
court, avec un enchaînement de situations, d’éléments ou de personnages qui se répètent jusqu’au dénouement.
Ces textes destinés aux plus jeunes rassurent par leur ordonnancement régulier et contribuent à structurer
l’enfant dans son rapport au monde. Ils sont construits de façon ternaire : introduction-développement
(rencontres cumulables, permutables, supprimables ou emboîtées)-conclusion.Mi-chanson, mi-jeu, mi-conte,
la randonnée relève de la tradition orale. Elle poursuit le plaisir de l'écoute par sa vivante dynamique
et le charme de ses naïves fantaisies narratives.
Les différentes structures de conte de randonnée:
- Enumération:
La forme la plus simple, très linéaire. C'est le principe de la liste :
S'ajoute à chaque épisode dans ce type de conte un élément différent (personnage,
vêtement, partie du corps...): a puis b puis c ... Par exemple les jours de la semaine,
« promenons nous dans les bois », « toujours rien ?»
- Elimination:
Un groupe qui perd ses membres un à un.
- Remplacement:
a qui laisse la place à b qui laisse la place à c etc: « plouf », « l'ogre,
le loup, la petite fille et le gâteau », « c'est pas ma faute » (enchainement
causalité), « la mouche qui pète » (relation cause à effet)
- Accumulation:
Dans ce conte, c'est le principe de la liste qui prime aussi avec l'ajout d'un nouvel
élément mais avec une récapitulation de l'ensemble. Ex: « la moufle », « le gros navet »,
a, puis a+b, puis a+b+c...
Accumulation par l’image: l’image accumule tous les éléments sans que
le texte ne les reprenne systématiquement.
- Emboîtement:
C'est le système des poupées russes. Chaque élément du conte en contient un autre (une
chaîne alimentaire). Ex: « la mouche qui volait sans regarder »
Chaque structure peut adopter une forme particulière:
- des aller-retour (accumulation, rupture et retour, symétrie absolue),
- des aller sans retour, (accumulation et rupture)
- des retours sans aller (constat/accumulation vers la cause initiale)
- une organisation circulaire (accumulation qui ramène au premier élément ou passage
d'un objet de personnage en personnage ou ou d'un personnage de lieu en lieu...)
On peut également distinguer dans chaque randonnée, des fins différentes de fins différentes: avec fin, sans fin...
On peut classer les structures de la randonnée en 3 types:
1. Le bout à bout:
Composé d'une série d'action incohérente, chacune des actions servant de prétexte à la suivante jusqu'à
l'amorce du retour. Chaque épisode du conte renvoie le personnage d'un interlocuteur à l'autre.
Ex: « Les trois boucs »
2. La comparaison:
Ce conte insiste sur la force. A la fin, retour à la situation initiale. Il s'agit d'une suite de contraintes
qui sont toujours refusées jusqu'à l'épisode qui annonce, par une acceptation, un retour positif précipité.
Ex: « La plus mignonne des petites souris » (Monsieur Rongetout désire marier sa fille, au personnage le plus
puissant du monde : le soleil. " Je ne suis pas le plus puissant, dit le soleil. " Quelle déception pour
Monsieur Rongetout ! Mais alors qui est donc le plus puissant personnage du monde ? ), «Les Bons amis »
3. Les enchaînements circonstanciels:
Le lien dans ce conte s'effectue par recours à l'opposition, la cause et la conséquence. Le héros
sollicite l'aide de personnages qui n'acceptent de lui prêter leur concours qu'à une condition donnée,
chacune des conditions impliquera à chaque fois un nouveau personnage jusqu'au retour.
Ex. « c'est pas ma faute » -remplacement-, « La puce et le pou » -accumulation par imitation-
(Ce matin, dans la maison juste à côté, le pou et la puce prenaient le petit-déjeuner. Quand soudain,
le vent s’engouffre par la fenêtre et soulève le pou qui retombe assis sur la cuisinière allumée. »
Alors la puce se met à pleurer, alors la fenêtre entendant la puce pleurer décide de se mettre à claquer.
Alors la porte entendant la puce pleurer et la fenêtre claquer décide de grincer. Alors…).
Il existe donc des contes de randonnée par énumération, utilisant le bout à bout, en aller sans
retour et avec fin...
Pour simplifier l'étude des contes de randonnée en classe (et leur classement pour leur programmation),
je m'attarderai aux structures de la randonnée (accumulation, énumération, élimination, emboîtement, remplacement).
3. Pourquoi le conte randonnée en classe?
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Derrière la structure du conte randonnée:
- un apprentissage du monde: du proche au lointain, du petit au gros, du familier au cosmique...
- l'ordre du monde: causes et conséquences, action et réaction...
- les relations dans le monde: l'interdépendance des êtres vivants, la relativité de la
place de chacun (on est toujours le plus faible ou le plus fort par rapport à...), l'échange est
un moyen efficace d'obtenir ce que l'on désire, l'union fait la force...
Derrière les contes de randonnée, un véritable apprentissage:
Initiation orale de la langue écrite:
- identifier le personnage (ou les personnages) principal; le reconnaître dans la suite des illustrations
- essayer d'anticiper la suite d'une histoire
- comparer des histoires qui ont des points communs (personnage principal, même univers)
- connaître quelques textes du patrimoine, principalement des contes.
- repérer et comprendre dans les albums, une structure narrative particulière
- s'approprier et mémoriser ces structures
- réutiliser ces structures pour écrire de nouveaux récits
Et les comptines, poésies et chansons en randonnées?
A petite échelle on peut les rapprocher des contes de randonnée de par leur propre
construction (elles ne comportent pas de trame bien entendu) par accumulation, remplacement,
élimination...Elles peuvent aussi servir de support pour aider à comprendre le fonctionnement
des contes de randonnée.
Quelques exemples:
- accumulation: « jean petit qui danse », « promenons nous dans les bois », « alouette », « le coffre »
- élimination: « cinq oiseaux dans leur nid »
- énumération: « une souris blanche », « l'empereur sa femme et le petit prince », « ou sont mes poussins »
- emboîtement: « dans paris » (Paul Eluard), « dans cette main »,
Autre classement possible des contes:
- l’ambiance: Humour, Jeu sur la peur, Humour noir, Absurde
- le texte: Cris et onomatopées, Jeux sur les sonorités / rimes, Richesse du vocabulaire,
Jeu sur la police de caractère
- la fin: Boucle, Rupture, Surprise, Logique
- si le conte est à valeur : philosophique, d’avertissement, initiatique, écologique, citoyenne
- les thèmes : Rôle important du petit, Vie quotidienne, Ruse, Famille, Chaîne alimentaire,
Cataclysme jubilatoire, Temps (heures, semaines, vie...), Curiosité, Rêve, Humilité / Orgueil,
Vaincre sa peur, Quête d’un objet, Solidarité / entraide, Livre à compter, Animaux de la jungle,
Animaux de la ferme, Animaux de la forêt, Jardinage, Moment du coucher.
Pour un exemple de programmation annuelle sur la lecture des contes de randonnée,
c'est ici !
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